Une Rose au pays des portes défoncées
Récit de Mathe KISUGHU dit Charly Mathekis
Une prose saisissante avec un titre alexandrin douceur puis coup de poing qui dit bien et la beauté et la dévastation. Comment l’auteur parvient-il à conter les souffrances et malheurs de son pays et surtout de ses habitants et de ses habitantes sans que son récit ne soit qu’une plainte ou une énumération des douleurs et des horreurs ?
Il y a dans les aventures de Jolie Tantine et du Cavalier par temps de guerres, de milices et d’incuries, un aspect de conte réaliste comme une manière de Candide d’aujourd’hui, accompagné de sa Cunégonde, ayant toujours la force de se relever et de poursuivre, s’il faut aussi compter sur la chance, le hasard, la destinée et des qualités pour temps de survie en milieux hostiles. Un carnet tenu par Le Cavalier conte diverses histoires et Jolie Tantine, un soir d’hôpital, tourne les pages :
« …elle a la nette impression que c’est son histoire, à elle, qui est racontée : comment Le Cavalier l’a rencontrée, comment il a trouvé sa maison vandalisée, comment il a passé du temps à broyer du noir, au Casino Joli Rêve, la scène de la rencontre...Les noms cependant et les lieux sont différents... Jolie Tantine lit sans se lasser. Le temps est suspendu. La salle de l’hôpital où se repose Le Cavalier s’est transformée en maquis, puis en rue où sont affalés les déplacés de guerre...
En d’autres pages, c’est un temple qui disparaît dans un incendie criminel... Une autre page décrit des vaches fusillées... Ailleurs, des maisons défoncées par les cousins du propriétaire dont la femme est restée veuve, après le décès de son mari... Ici, le drame des enfants appelant leurs mères lorsque retentissent des coups de fusil, alors qu’ils viennent de l’école. Des grincements des dents. Parfois une réflexion de l’écrivain sur l’état des choses... »
L’auteur interroge son art, les enjeux de son action littéraire, sa vanité peut-être, sa recherche essentielle : « Faut-il que je délaisse la littérature et que je fasse comme «monsieur Tout le monde» ? Cette littérature, n’est-elle pas celle qui brise les frontières naturelles et artificielles, permettant qu’au-delà des langues, on arrive à créer un dialogue sincère, un partage de sentiments, et au besoin, une occasion de panser les blessures, de proposer surtout une utopie, une figure de vie que l’artiste ou le poète offre comme une invitation à la rencontre, sans forcer personne à lui emboiter le pas ? ». Et en père se pose une autre question personnelle, familiale, tourneboulant l’âme : comprendre pourquoi son fils, vif ou mort, s’est éloigné, pour entrer en révolution et y disparaître ?
Le style de l’auteur est classique pour le vocabulaire, l’emploi des temps, les locutions, qui se colorent ici et là d’expressions locales, la finesse est son naturel, son empathie est sa façon, alors l’écriture tantôt ironique tantôt directe de ces nouvelles enchâssées, de ces saynètes incarnées, est constant rappel de l’humain et de ce qui entend le briser, alors qu’il s’agirait de le consolider et de le faire grandir, comme une famille, la famille humaine ! L’éducation, le respect de la personne, donnent tour à tour l’occasion d’exprimer la tendresse, la délicatesse, une galanterie, tantôt une indignation contre ce qui violente l’être humain. « C’est la jungle, on dirait. Ou plutôt la vie à l’envers, où le peuple est prié de coopérer avec la police, puis à dénicher tout fauteur de trouble, et puis à dénoncer tout cas suspect, et puis encore à ne pas se rendre justice. »
Présence de groupes de bandits adoptant la rhétorique révolutionnaire, incursion de rebelles, enlèvements pour dépouiller les familles et des simulacres de procès avec des charges improvisées et l’enfance l’enfance escamotée, l’humanité itou. Le livre a tant de « pourquoi »à ces situations alors que la paix, le monde à l’endroit, est encore et toujours si proche à portée de mains !
La famille et la poésie sont-elles pour Le Cavalier ce jardin à retrouver, à cultiver loin du monde, où les voyages et aventures aux mille rencontres d’infortune, de blessures et de morts sont oubliés ? C’est sans compter que pour Charly la poésie ouvre sur le monde et il compte bien sur une empathie et solidarité des poètes pour œuvrer en faveur de la paix, ici, là-bas, près du volcan, près du fleuve, sur le pont.
Laurent DESVOUX-D’YREK, lector, à Paris au 3 octobre 2021.
Article et photographies : Laurent 3D58, je venais d’acquérir le livre de Une Rose… lorsque je me suis rendu au Premier Salon du livre africain à la Mairie du 6e arrondissement à Paris, où j’ai remis un exemplaire à Mona Azzam, l’un des nombreux auteurs de Jardins-Ponts-Planètes et à qui j’ai offert le récit de Mathe Kisughu.
Une Rose au pays des portes défoncées, Mathe KISUGHU
Editions L’Harmattan135 pages, Collection Ecrire l’Afrique
ISBN : 978-2-343-22476-3 15 €, 10,99 € en version numérique.
Pour une commande :
Après avoir reçu un premier prix de poésie à un concours du Verbe Poaimer, Charly Mathekis est devenu juré, d’année en année, du « prix Charly Mathekis et les poètes de Butembo », pépinière d’auteurs, comme sa ville sœur de cœur L’Haÿ-les-Roses pépinière de fleurs poèmes. L’anthologie 2021 Jardins-Ponts-Planètes en témoigne. Voir Le Blog du Verbe Poaimer Prix 2021 Charly Mathekis et les poètes de la Bièvre au Congo, « Poèmes nés de rencontres par boite-aux-livres ».
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« Mathe KISUGHU dit Charly Mathekis est passionné de littérature. Son travail acharné lui a valu plusieurs prix littéraires et des invitations aux rencontres littéraires. Enseignant depuis une vingtaine d’années, il anime des émissions sur la voie des ondes des radios de Butembo, sa ville natale, en République démocratique du Congo, tout en participant à la réalisation des anthologies notamment chez Rencontres Européennes Europoésie et Le Verbe Poaimer de France. »
- Présentation en 6 lignes de la 4e de couverture d’Une Rose au pays des portes défoncées.