JOYEUX ANNIVERSAIRE,
cher ébaubi !,
RENÉ DE OBALDIA !
Les poètes de cent ans, estrambot de dix-huit mètres
Quel âge a-t-on feuilles dans le vent quand on écrit, quand on rime, quand on danse ?
Quel âge a-t-on boulot chêne roseau ou if quand on est vif et qu’on dit des mots incisifs ?
Quel âge a-t-on nuages dans un miroir quand on est mort et qu’on a le temps de tous côtés ?
Est-ce que j’ai sept ans, cent ans ou cent sept ans ?
Ton âme rayonne-t-elle aussi de voir ce château de briques ?
Ton âme fait un grand sourire par des huiles, des porcelaines, des portraits, des paysages
Ton âme prend ou prit ou prendra un coup de vieillesse par des mornes plaines, des horizons bas, des blessures et des vilénies !
Ton âme semeuse se meurt à chaque fois que les lemmings avertis vont à fond de courses vers l’abrupt !
Est-ce qu’on remet les compteurs à zéro, les étoiles en nouvelle configuration ?
Est-ce qu’au rivage de cent sept, on est à nouveau pour la première fois un poète de sept ans – sautant dans les flaques àéclabousser le soleil ?
Que pense le poète de cent ans quand il se rappelle son roman un-tituléLe Centenaire et que veut dire le mot roman ?
Est-ce qu’un regard taquin, coquin, malicieux, espiègle sur la vie, les mœurs littéraires et de son temps, de ses temps, de tout son temps, ajoute des jours ?
Un homme, mort entre temps, m’a dit qu’il était impossible que vous soyez la réincarnation, le René d’Apollinaire, puisque vous naquîtes juste avant sa disparition et non juste après.
Dans quelque vingt ou trente ans, serez-vous co-organisateur de la fête pour le centenaire de votre fille adepte de courriels aux courses de la terre et du ciel ?
Vingt-deux octobre ! oh ce jour d’anniversaire et terme de Vendémiaire, le fameux mois-républicain-poème d’Alcools aux vendanges de poésie pour des bateaux ivres et des avions sobres à Port-Aviation ou Issy
Vous nous amusâtes, vous nous plûtes, vous nous vîntes avec « Le plus beau vers de la langue française »« Le geai gélatineux geignait dans le jasmin », alors que vous êtes l’anti-geindre !
Quels seraient les conseils que vous donneriez à un jeune dramaturge de cinquante-cinq printemps ou à une jeune poète de quatre fois vingt automnes – et qui n’osa pas jadis franchir le pas parce qu’écrivait Jacques Prévert ?
Dans Innocentines, je lis, au beau mille du titre et de la couverture, j’entends inouï le nombre « cent » sur ce pont des mondes passant et repassant
Texte y442 écrit par Laurent Desvoux-D’Yrek en Île-de-France en octobre 2018, avant la fin de vendémiaire.
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En février j’avais écrit après avoir vu, grâce notamment à la comédienne Nathalie Melik de nos amis, votre pièce Entre Chienne et Loup le poème « Estrambot pour D.Galop. »
Avec ma femme Brigitte Moyon-Dyrek, nous étions venus vous voir cet été, pour vous apporter des recueils de poésie.
Nous nous étions bien amusés en prenant des photos « patrimoniales » avec l’affiche « Patrimoine en poésie », je viens du reste de faire participer à nouveau mes collégiens à cette belle opération de poésie.
Les estrambots de cette feuille devraient figurer dans un livre publié par Unicité avant la fin de l’année sous le titre Au Galopbleu de la beauté, d’après un vers de Calligrammes.
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Estrambot pour D. Galop Adios ? adios ? / Est-ce que ça veut dire / Abientos ?!
Docteur Galop / Oùêtes-vous à partir / A cheval ou à chevaux ?
Pour soigner des animaux / Perle rare et par le rire / Des maux de drôles de mots
Vous passez par les demeures / Des poètes et des heures / Au trot au trot !
Qui ici-bas, bas / Voudrait aller au pas, au pas / Mais pas trop, pas trop !
Maître René de O. / Sur votre siècle en haut / A écryre et à lyre !
Texte y106 écrit dans les Transports franciliens le 8 février 2018.
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Le plus beau vers de la langue française, poème de René de Obaldia, écrivain né le 22 octobre 1918.
« Le geai gélatineux geignait dans le jasmin » // Voici, mes zinfints / Sans en avoir l'air / Le plus beau vers / De la langue française. / Ai, eu, ai, in / Le geai gélatineux geignait dans le jasmin... / Le poite aurait pu dire / Tout à son aise : / « Le geai volumineux picorait des pois fins » // Et bien ! non, mes zinfints. / Le poite qui a du génie / Jusque dans son délire / D'une main moite / A écrit : / « C'était l'heure divine où, sous le ciel gamin…»extrait de Innocentines, publié en 1969, il y a presque demi-cent ans !
Questionnaire restant à peaufiner, forgé par Laurent 5D :
Calculez l’âge du poète à l’heure de votre lecture, en années, mois et jours.
Donnez quatre exemples de liaisons de mots opérées par le narrateur dans le texte avec une insistance sur les formes plurielles, qui se font bien entendre. Quel passage du texte évoque ces liaisons sonores ? Cette préoccupation témoigne d’une attention à la langue, mais avec ici une insistance qui en fait quelque chose de caricatural, voire un brin ridicule.
Le mot poète se retrouve avec une modification graphique et sonore : pour quelles raisons à votre avis ? Quels autres mots sont-ils modifiés ?
Citez tous les homophones de « geai », de « vers », de « cent », de fois », « fin ».
Relevez des extraits en lien avec les sens suivants : la vue, l’ouïe, le toucher, le goût. En quoi les éléments choisis renforcent-ils ici un aspect prosaïque ? Définissez cet adjectif.
Ce texte vous paraît-il cocasse ? tragique ? parodique (en parodie-imitation par exemple de vers romantiques pompeux ou pompe-eau : « C’était l’heure tranquille où les lions vont boire » de Victor Hugo) ? dramatique ? En quoi constitue-t-il une sorte de saynète de théâtre qui aurait comme lieu une salle de cours ? (à rapprocher des pièces d’Eugène Ionesco et des poèmes à didascalies de Jean Tardieu et aussi évidemment des textes très connus du grand public et des écoles du grand Jacques Prévert)
Pour définir la qualité d’un vers, les éléments liés à l’analyse des sonorités, retour de voyelles en assonances ou de consonnes, vous paraissent-ils essentiels ? Par quoi pourrait-on compléter pour la définir ? Isoler un vers peut permettre de l’apprécier, cependant le contexte du poème et du recueil ou de la pièce de théâtre sont à considérer sinon le sens est perdu. Feriez-vous spontanément la recherche d’un beau vers, d’une belle phrase, d’un beau texte, d’une belle idée ? Quel message avec sens et beauté placeriez-vous sur un mur de votre chambre ou dans un répertoire et pourquoi ?
Le poète semble critiquer l’analyse exclusive des qualités phonétiques d’un vers au détriment de l’investissement de la signification. Les mots du « plus beau vers » ne semblent rapprochés que pour le jeu sonore et le sens que peut avoir ce vers peut apparaître vain, absurde, dérisoire. Définissez ces adjectifs.
Pensez-vous que l’on puisse écrire avec du sens des poèmes d’un seul vers ? « Et l’unique cordeau des trompettes marines » est un poème-vers de Guillaume Apollinaire, poète mort en 1918. Son titre est « Chantre », publié dans Alcools en 1913. Composez vous aussi un poème d’un seul vers : un monostique ou monostiche sur le thème de la musique avec un titre.
L’élève s’appelle Blaise : citez à ce prénom un nom d’écrivain philosophe du 17e siècle et un nom de poète qui incarna la modernité tout autant qu’Apollinaire à même époque. Un personnage de Marivaux prenant à la lettre les jeux des comédiens incarne le naïf qui se débrouille mal de la réalité et de sa représentation. Faire copier cent fois un poème ou un vers de poète vous semble-t-il la manière la plus appropriée de faire apprécier la poésie ?
Les termes « génie », « délire » témoignent d’un vocabulaire où le poème est insufflé par une inspiration divine : or le travail des mots est en même temps présenté comme un agencement de mots et de sonorités qui semble et conscient et concret. Et ces termes semblent aussi en décalage avec l’humilité ou l’aspect minuscule du thème ou de l’animal, au regard de thèmes essentiels sur la vie, le destin, l’amour, la mort, l’éternité, les grands enjeux de la poésie que peuvent appeler les noms et les caractéristiques, qu’on trouve depuis l’Antiquité grecque jusqu’au rôle de poète-prophète décrit par un Victor Hugo.
Le poète René qui se moque et des poètes et des commentateurs se plaît aussi à jouer des langues et des nations à longue Histoire : retrouvez ces langues et ces pays qui mêlent linguistique, Histoire et Géographie.
Ecrivez le plus beau message positif que l’on puisse adresser à un écrivain très âgé pour son anniversaire. Cet écrivain a écrit notamment un roman intituléLe Centenaire« épopée de la mémoire », à la fin des années 1950, et dans les années 1960, une pièce de théâtre Du vent dans les branches de sassafras, parodie d’un western américain et Les Innocentines, « poèmes pour enfants et quelques adultes ». Ty440
BMD, L3D55 et RdO l'été 2018, photo de Laurent3D
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René de Obaldia est né en 1918à Hong-Kong d'un père panaméen (José Clemente de Obaldia), alors consul du Panama dans cette ancienne colonie britannique et d'une mère française. Il fait toutes ses études en France. Mobilisé en 1940, il est fait prisonnier et envoyé dans un camp en Pologne (Silésie). Secrétaire général au Centre culturel international de Royaumont de 52 à 54. Puis, après un court passage comme directeur littéraire aux Éditions P. Horay, Obaldia publie son 1er roman Tamerlan des cœurs (1956) et un second roman, Le Centenaire, "épopée de la mémoire" (1960, Prix Combat). C'est peu après que commence sa carrière dramatique grâce à Jean Vilar qui donne au T.N.P. Génousie, "comédie onirique". Beaucoup d'autres pièces parmi lesquelles Sept Impromptus à loisir, Le Général inconnu, Monsieur Klebs et Rozalie, Du vent dans les branches de sassafras (avec un grand Michel Simon !), La Baby-sitter, Les Bons Bourgeois, assureront à Obaldia une audience internationale. Il a étéélu à l'Académie française le 24 juin 1999, au fauteuil de Julien Green. Autres textes : Les Innocentines (1969), poèmes pour enfants et quelques adultes. Exobiographie, mémoires (1993). (d’après le Site internet Poezibao)
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Envoi en octobre 2018 par Laurent Dyrek dit Laurent Desvoux-D’Yrek, président de l’association Le Verbe Poaimer et professeur de français à Paris (XVe). Dit aussi L5D depuis ce 22 octobre 2018.